COMME UN LION
Samuel Collardey

 DeterreIls sont peu nombreux, les sports qui touchent toutes les catégories socio-professionnelles, ceux qui rassemblent, le temps d’une heure ou deux, des gens qui n’auraient a priori rien à partager au quotidien. Or de ces sports le football fait partie. Intelligemment, par petites touches, Samuel Collardey a su appliquer cette même universalité à son film Comme un lion. Il l’a fait si bien que le parcours de ce jeune sénégalais qui rêve de devenir joueur professionnel touchera, à n’en pas douter, tous les cinéphiles, exigeants ou non, fans de ballon rond ou allergiques à la grand-messe footballistique.

En épousant d’entrée une forme qui tient autant de la success story que du documentaire, Samuel Collardey fait se percuter (au-delà des genres cinématographiques) deux visions du monde radicalement différentes. Celle de la « vie en rose » de jeunes sénégalais que rien ne semble préoccuper si ce ne sont leurs matches quotidiens de football, et celle, beaucoup plus dure, de la réalité économique du pays. Chaque vision tempère l’autre et c’est pourquoi cette première partie, qui aurait pu aisément sombrer dans le syndrome de la bienveillance occidentale, s’avère remarquablement équilibrée. L’exposition des forces vives et naturelles du pays (beauté des couleurs, entraide de la population) feraient en effet volontiers carte postale cheap si elles n’étaient pas contrebalancées par la vérité du terrain, beaucoup moins folichonne et non moins réelle, de la corruption, des arnaques et de l’image désormais écornée de la France. D’entrée, on sent que le parcours de Mitri est moins celui d’un footballeur que d’un futur émigré. Tant mieux, on a encore plus envie de le soutenir  dans sa lutte quotidienne jusqu’à la reconnaissance.

Formellement, on passe rapidement de l’Afrique colorée à la grisaille de la banlieue sochalienne, sans transition. La rudesse du choc a le mérite de prolonger ce qu’a entrepris Samuel Collardey en début de film : il nous montre un rêve rongé de l’intérieur (on le comprend assez vite, Mitri ne sera jamais pris dans l’une des meilleures équipes françaises) et pourtant, ce rêve, il existe bel et bien, toujours sur le fil. Cet entre-deux, qui tient à la fois du cartésianisme optimiste et de l’onirisme mesuré, est tellement juste (sans doute en grande partie grâce à la qualité des acteurs, tous extrêmement convaincants) qu’il devient au fur et à mesure évident que Comme un lion, malgré son pitch sélectif susceptible de n’intéresser en première intention que les supporters de foot, a tout d’un film fédérateur. On le pense d’autant plus que les scènes de football à proprement parler sont bien rares ! (*) Si Mitri est aussi touchant, ce n’est pas seulement à cause de sa naïveté et de sa foi en lui, mais parce qu’il n’est pas Zidane, qu’il ne sera jamais une star, mais juste un joueur professionnel (oserait-on parler de travailleur ?) « comme les autres ».

Si Samuel Collardey filme si peu le sport en tant que tel ce n’est donc évidemment pas un hasard. La force de Comme un lion réside précisément dans cette capacité à présenter le football non comme un sport en particulier mais comme un art, quelque chose d’un peu abstrait dont la puissance (il fait et défait les vies, comme dans le cas de Serge, l’entraîneur et bien sûr Mitri) nous dépasse. Dans tous les cas, et quel que soit le bout par lequel on veut bien prendre ce deuxième film de Samuel Collardey (l’angle sportif, cinématographique, ou simplement narratif), il a tous les atouts pour séduire, au sens noble du terme, un public beaucoup plus large que celui qu’il a touché depuis sa sortie.bub

François Corda

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(*) un mot cependant pour rappeler le potentiel cinématographique du football qui se manifeste par l’alternance d’immobilisme et de mouvement, qu’il soit de l’ordre de la danse et/ou de la percussion.

 

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Comme un lion de Samuel Collardey (France ; 1h42)

Date de sortie : 9 janvier 2013

bub

 

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