MERZ
no compass will find home

 RevueAu moment de faire une revue de presse française de No Compass Will Find Home de Merz, on est bien embêté : l’artiste anglais est pour ainsi dire ignoré dans notre pays. On se reporte alors outre-manche et on découvre que ce dernier album a peu ou prou reçu le même sort, à ceci près qu’en plus il a été fraîchement accueilli… Une sacrée injustice pour un homme (Conrad Lambert aka Merz) qui tient pourtant avec brio une double casquette de songwriter et d’artisan sonore.

Si l’on veut se faire une opinion de No Compass Will Find Home, on peut noter en préambule que les rares chroniques recensées sur le web français saluent heureusement la variété formelle de l’album, et plus largement le côté insaisissable de Merz. Est-ce cette diversité qui joue des tours à l’auteur-compositeur ? Peut-être. Pas facile en effet de répertorier un artiste qui « alterne les styles et les ambiances », qui passe d’« arpèges de guitare acoustique » à de l’ « indus très sombre » comme le mentionne Marty Tobin sur Quai-banco.com. « Et pourtant ce No Compass Will Find Home ne manque pas de cohérence : les synthés analogiques sont omniprésents dans les arrangements, […] et la voix unique de Conrad Lambert […] porte l’ensemble de cet album. » continue Marty Tobin. Cela nous semble évident, Conrad Lambert possède en effet une singularité vocale, une douceur doublée d’un vrai talent mélodique, voire lyrique, qui la rend immédiatement attachante.

The Independent voit au contraire dans No Compass Will Find Home « des arrangements encombrants », et regrette que les paroles aient du mal à exister au regard de la musique (« the lyrics struggle to penetrate the combative arrangements »). Cela nous semble assez aberrant car, justement, Merz sait réserver de superbes plages de calme où son chant est clairement mis en avant, cela entre deux passages d’une électronique que l’on peut effectivement considérer comme « combative » : les beats peuvent être agressifs, les synthétiseurs tranchants (« Eudaimonia »). Ce sont justement ces arrangements qui contribuent à faire de Merz un artiste unique. Il y a une forme de schizophrénie formelle dans No Compass Will Find Home, c’est vrai. Mais y voir un obstacle néfaste à la voix (ou la considérer comme « encombrante », ce qui revient au même) c’est passer à côté d’un disque dont la maladie est contagieuse, et jamais douloureuse. Il y a même un côté euphorisant dans ce nouvel album de Merz, dans cette volonté de s’affranchir des codes, qui peut rappeler Kid A de Radiohead.

Summum de l’incompréhension, le webzine et magasine Clash qui distingue dans les meilleures parties de No Compass Will Find Home du Animal Collective (« It has moments of greatness, some bits even a bit Animal Collective, but as a whole it doesn’t gel into an album you can lost in.”) ! Mis à part le fait que sur BUB nous n’aimons pas beaucoup Animal Collective, on ne peut que s’étonner de cette comparaison entre des artistes qui n’ont pour point commun que l’aspect synthétique de leur musique. Cela traduit sans doute une volonté critique un peu artificielle d’installer un artiste dans un carcan, un « genre » pour repérer ses lecteurs. Alors que l’intérêt même de No Compass Will Find Home réside précisément dans cette absence volontaire d’influences ou d’attaches trop évidentes à un style particulier ! Mais si l’on veut absolument rapprocher Animal Collective de Merz, cela ne fait pas l’ombre d’un doute que le second nous semble plus doué que le collectif américain, tant au niveau de l’écriture qu’en terme de sculpture noisy. Là où on ne distingue qu’un flou artistique, un brouhaha proche du n’importe quoi (Animal Collective), Merz fait preuve au contraire d’une précision redoutable, tant dans le choix des instruments choisis, que de leur importance dans le mixage. Cette précision va même jusque dans la tracklist du disque, remarquablement aérée.

Le plus troublant, au-delà des réserves accordées à ce nouveau disque de Merz, c’est la confidentialité dans laquelle l’anglais demeure. Car il y a un élan, une force de caractère derrière les compositions de Conrad Lambert qui pourraient sans nul doute rencontrer le succès public si ce dernier avait quelqu’un pour s’occuper de sa promotion dignement… À ce propos, No Compass Will Find Home bénéficie actuellement d’une réédition pour le moins étrange puisque le disque est officiellement déjà sorti au printemps 2012. Gageons que cette deuxième chance sera la bonne.bub

François Corda

bub

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Merz / no compass will find home

Date de sortie : 15 janvier 2013

 

bub

 

Comments
  • debimax

    Entièrement d’accord je ne comprend pas pourquoi cet artiste n’est pas plus connu. Cependant cet album est loin d’être aussi bon que « moi et mon camion »

    Un nouvel album est en préparation. Je l’attends avec impatience.

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