ARGO
Ben Affleck

EnterreS’inspirant d’une prise d’otage survenue lors de la révolution iranienne de l’automne 1979, Ben Affleck réalise un troisième long métrage qui présente à première vue une palette de thèmes généreux et prêtant matière à un film palpitant : un thème de fond socio-historique et trois thèmes de forme à vocation humoristique ou satirique. Malheureusement, Argo apparaît bien plus comme un thriller ennuyeux et prévisible qui ne fait que survoler les thèmes en question. Le spectateur en ressort pantois avec le sentiment d’avoir finalement vu un film patriotique et l’idée qu’Argo « aurait pu mais n’a pas ».

Novembre 1979 : sous l’impulsion de Khomeiny (*), la population est exhortée à manifester contre les États-Unis qui ont accueilli sur leur sol un mois plus tôt le chah Pahlavi pour qu’il puisse se soigner de son cancer. L’attaque de l’ambassade américaine à Téhéran se solde par une prise d’otages de cinquante-deux personnes. Parmi elles six diplomates arrivent à s’échapper et se cachent dans l’ambassade du Canada. La CIA décide d’organiser une exfiltration pour aider ces six personnes à sortir du territoire iranien et revenir dans leur pays, les États-Unis. Inspiré de faits réels et déclassifiés en 1997, Argo s’attaque sur le fond à un sujet délicat et d’actualité – les relations américano–iraniennes. Sur ces éléments historiques, Ben Affleck résume la gestation de la révolution iranienne (de la reprise de pouvoir en 1953 de Mohammed Pahlavi, à la destitution du chah en 1978, en passant par l’opposition avec Khomeiny) en trois minutes de prologue, au début du film. Des éléments historiques qui permettent certes de donner à l’œuvre une composante « inspiré de faits réels », mais qui ne permettent pas d’offrir réellement au spectateur des clés de lecture pour comprendre les raisons de la révolte des iraniens envers les américains. N’ayant pas ces éléments, le spectateur ne peut que prendre parti pour la gentille Amérique menacée par les méchants iraniens. Un patriotisme qui s’illustre également par une fin hollywoodienne et des éléments caricaturaux tels que la course-poursuite pour rattraper l’avion qui décolle, la remise de médailles pour féliciter les otages libérés, la poignée de main de l’otage américain qui doutait du plan de sauvetage envers l’agent de la CIA et les figures d’iraniens à grosse barbe noire, armés jusqu’aux dents et sanguinaires.

Au-delà du thème de fond qu’est la révolution iranienne, c’est plus sur les éléments de forme que Ben Affleck met l’accent dans son film. Mais là encore, les thèmes participent au sentiment de chauvinisme que renvoie le film en général, en les présentant de façon héroïque, aussi bien dans la critique, voulue comique, d’Hollywood, de celle de la CIA, que de celle des américains cachés. La critique supposée d’Hollywood réside dans l’idée de film dans le film. En effet, la CIA décide de mentir à l’industrie hollywoodienne elle-même, et de lui faire croire au tournage du film en Iran ; film qui en réalité n’existe pas et n’est qu’un alibi pour faire sortir les 6 otages d’Iran en les faisant passer pour des acteurs. Ben Affleck, pour se moquer de la CIA, s’en tient alors principalement à mettre en scène les sempiternelles lourdeurs administratives qui ne font que ralentir l’action des agents. Et pour critiquer l’Amérique il use du loufoque de situation pour des diplomates que rien ne destinait à se retrouver dans pareille situation et qui malgré leur supposée intelligence de situation, se retrouvent complètement démunis face à une situation bien réelle et concrète. Les éléments de critique sont bien là mais le réalisateur les traite tellement sous l’angle de l’héroïsme et non de la parodie qu’ils en perdent toute portée. Ben Affleck persiste et signe sans déroger à la règle d’un cinéma hollywoodien aux accents, parfois, fortement patriotiques et à une vision manichéenne exacerbée. Dommage.

(*) Khomeiny est un des leaders de l’opposition religieuse qui proclame que le règne du chah Pahlavi est une tyrannie.bub

Raphaëlle Courcelles

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Argo de Ben Affleck (Etats-Unis ; 1h59)

Date de sortie : 7 novembre 2012

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