CAMILLE REDOUBLE
Noémie Lvovsky

DuelUne femme sème la discorde au sein de BUB ! La dénommée Camille, qui redouble, a en effet partagé François Corda et Jacques Danvin. Fidèles à leur habitude, les deux compères lavent donc leur linge sale en famille, histoire d’y voir un peu plus clair sur cette comédie dramatique qui cartonne dans notre beau pays. N’hésitez pas à mettre votre grain de sel !

François Corda : À sa sortie le 12 septembre dernier, Camille Redouble a été reçu avec enthousiasme, par la presse et les spectateurs en général. Et j’ai bien du mal à comprendre en quoi cela relève du film lui-même. Tu partages cet enthousiasme mon cher Jacques, tu peux nous dire pourquoi ?

Jacques Danvin : Oui, comme je l’avais indiqué rapidement dans la page En ce Moment, je trouve que Noémie Lvovsky a réussi là un film touchant et drôle, même s’il est moins ambitieux que joli. C’est à mon sens une bonne comédie dramatique, assez bien équilibrée malgré l’hésitation finale.

FC : Tu parles de comédie dramatique, hé bien justement, j’ai été gêné par le mélange des genres, comédie et drame. Je trouve que les deux se neutralisent, et l’hésitation dont tu parles je l’ai ressentie pendant tout le film. Doit-on rire, doit-on pleurer ? Bon, je dois reconnaître qu’on est parfois amusé, au même titre que l’on peut se sentir touché, notamment par le traitement des deux parents de Camille qui sont attendrissants. Mais tout cela me semble trop académique, trop prévisible, et surtout trop long pour en conserver un souvenir fort.

JD : C’est vrai que le film s’essouffle un peu sur la fin, je te l’accorde, mais pour ma part je ne vois pas l’académisme ou le côté prévisible. Tu dis cela en comparant Camille Redouble à d’autres comédies ?

FC : Oui, notamment aux Beaux Gosses (2009), sur lequel le film lorgne sans ambages : même goût du vintage, mêmes acteurs, même regard mi-tendre mi-acide sur l’adolescence. De ce côté-là, Camille redouble n’apporte strictement rien au film de Riad Sattouf, c’est simplement son versant féminin, en moins drôle. C’est dans ce sens que je le trouve prévisible. Quand je parle d’académisme, je pense plus au scénario : la façon dont Camille revient dans le temps (elle s’évanouit, bof), celle dont elle gère les événements qu’elle connaît à l’avance (la maladie de sa mère, le flirt avec Éric), les surprises, les rebondissements sont trop rares.

JD : Ah ! Malheureusement je n’ai pas ta culture du film adolescent, ça m’est donc difficile de juger et d’argumenter. Par contre ce que tu dis de l’évanouissement me fait penser à une chose. J’ai été assez surpris au début du film de voir une si longue séquence d’exposition avant le voyage dans le passé. En fait j’avais été trompé par la bande-annonce et ma petite mécanique personnelle. Je m’attendais à une histoire moins classique, quelque chose d’un peu absurde du type Un Jour sans Fin (ou Groundhog Day). J’aurais trouvé plus ambitieux que le film traite de l’adolescence à travers un personnage qui serait né vieux, plutôt que de jouer d’un voyage onirique dans le temps.

FC : Ah tu vois ! Oui Noémie Lvovsky a manqué d’audace, l’une des principales qualités d’Un Jour sans Fin ou d’autres films dans le genre, façon Retour vers le Futur. Ici la narration est nonchalante, molle, du coup on a bien du mal à se sentir intéressé par les personnages. Autre souci, sa vision de l’époque eighties : c’est grosso modo un défilé de fringues et objets « typiques ». Ca tourne vite au fétichisme ! En plus c’est son seul ressort comique : voir une femme mûre dans ses vêtements de gamine. Ca va deux minutes…

JD : Tu es dur quand même. Il n’y a peut-être rien de plus difficile que de faire une comédie. En l’occurrence, ce qui n’arrange rien, c’est qu’elle se frotte à un sujet hyper casse-gueule, car l’adolescence est quand même l’âge du cliché par excellence. En cela je trouve son projet courageux, et j’y vois plus qu’un défilé vintage. Son ressort comique est peut-être moins à cet endroit que dans le décalage que le personnage principal subit en permanence, entre ce qu’elle sait d’avance et une certaine impuissance à modifier le cours de choses. A mon avis l’intérêt à ce sujet est qu’elle parvient à introduire dans cette distance un élément poétique : malgré ce décalage et la frustration de ne pouvoir empêcher ce qu’elle sait devoir arriver, elle trouve des chemins détournés pour se surprendre elle-même. Sa relation avec le prof de physique, ou la re-découverte de son premier amour sont les plus évidents. C’est dans cette articulation à mon sens que se trouve la pointe d’originalité de son film.

FC : Complètement d’accord c’est là que le film est gagnant : on sent qu’il y a quelque chose de fort dans ce personnage de Camille, qu’elle est à la fois torturée et pleine de vitalité. A l’image de son film. Mais à mon sens ça ne suffit pas parce que d’un point de vue formel ça ne fonctionne pas. Je le disais, sa vision de l’époque est caricaturale mais les caméos façon actors studio, mis à part celui d’Amalric, tombent à l’eau, eux aussi. Léaud ressemble à une poupée de cire, Podalydès est grimé de manière pas possible… Bref, je reste assez convaincu que le film aurait mieux fonctionné sur le seul registre du drame, de l’introspection. Mais qu’en pensent les BUB addicts ?bub

François Corda et Jacques Danvin

bub

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Camille redouble de Noémie Lvovsky (France ; 1h55)

Date de sortie : 12 septembre 2012

bub

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