WOULD YOU HAVE SEX WITH AN ARAB ?
Yolande Zauberman

DeterreTel-Aviv sur fond de musique pulsée et techno. Tel-Aviv écrasée par son tourbillon de néons rouge et jaune fluos et son bit assourdissant. Tel-Aviv, Bubble (*) de savon prête à exploser. A tout moment. Yolande Zauberman s’est jetée dans la foule bigarrée d’Israël pour questionner et prendre la température d’un pays sous haute tension. Ville où la population est majoritairement juive mais qui compte tout de même un Arabe sur quatre. Et dans une innocence bien effrontée, armée d’un petit appareil numérique Leica, d’une lampe torche et d’un enregistreur portatif, la réalisatrice pose la question aux noctambules : « Would you have sex with an Arab ? ». Et son corollaire aux arabes. Une question sur l’oreiller qui délie les langues et qui donne là toute sa singularité et sa force à un documentaire qui se propose de traiter le conflit israélo-palestinien sans parler politique mais en parlant amour, d’emblée. Osé, mais bien vu.

Accompagnée de ses deux comparses, Selim Nassib au son, et Elanit Leder à la lumière, une lampe torche à la main, Yolande Zauberman survole les bars et boîtes d’une ville qui ne dort jamais. Oiseau de nuit, elle crée un cadre de confiance et intimiste pour mieux délier les langues dans une temporalité où tout devient alors possible. La nuit : obscurité rassurante face à l’apprêté de la lumière ; champ des possibles et du concevable face au poids écrasant de la réalité diurne. C’est dans ce cadre favorable, ouvert à l’échange et aux confidences que la réalisatrice ose, dans un filet de voix hésitant et haché, « Would you have sex with an Arab ?», question intime sur fond de tension inter-communautaire. Le sexe comme instrument politique. Thème déjà traité et abordé au cinéma avec Le nom des gens de Michel Leclerc, où une avertie de gauche convertit les hommes à sa cause en couchant avec. Ces deux films ont la particularité de soulever des questions politiques en prenant par les sentiments. Une façon subtile et détournée de briser les tabous.

Tabous brisés ? Yolande Zauberman, les prend à bras le corps notamment en mettant en scène dans son film la « fiancée palestinienne » (**), figure d’une société décomplexée. Fière et majestueuse, la « fiancée palestinienne » déambule le long du Boulevard Rothschild, torse droit et regard gris pétillant, vacillant entre courage et faiblesse. Dans sa robe de mariée noire parée d’une longue trainée rouge sang, elle avance à la mesure de ses plaies ouvertes, dans une solennité effrayante de sensualité. Trans-genre, ni homme, ni femme, palestinienne aimant les juifs, elle est cette « liquidité identitaire », intemporelle, évoluant au-delà de tout conflit de races, cultures, politiques et religions. Aimant les gens pour ce qu’ils sont, elle représente cet idéal d’une société ouverte à l’extrême et libérée de toute problématique identitaire. Image utopiste, certes, mais image et symbole tout de même. C’est avec cette vision d’une fiancée palestinienne sans frontière que Yolande Zauberman conclut son documentaire du conflit israélo-palestinien. Un documentaire de la haine qu’elle aborde sous l’angle de l’amour.

Tabous brisés, certes. Mais évoqués dans un cadre et avec une population donnée et bien définie. Car si Yolande Zauberman ose un « Would you », elle ne risque pas pour autant le conflit car elle s’adresse exclusivement à une population composée d’étudiants, de queers, de metteurs en scènes. Bref, une population généralement ouverte d’esprit, interrogée dans un cadre nocturne et agréablement réchauffée par sa démesure. Son documentaire reste néanmoins éminemment enrichissant de part l’avancée qu’il représente et la problématique qu’il ose soulever. Et puis qui sait, peut-être qu’un jour la réalisatrice osera poser aux Israéliens de jour et de nuit un « Would you make love with en Arab ? ». Et alors, peut-être pourrons-nous enfin parler de révolution.

(*) « The Bubble » est le surnom donné à Tel Aviv dans le film éponyme d’Eytan Fox sorti en 2007.

(**) « La fiancée palestinienne » est le nom par lequel le comédien transgenre se fait appeler dans le filmbub

Raphaëlle Courcelles

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Would you have sex with an Arab de Yolande Zauberman (France ; 1h25)

Date de sortie : 12 septembre 2012

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