THE DARK KNIGHT RISES
Christopher Nolan

EnterreOn peut lire sous certaines plumes (*) qu’à Hollywood Christopher Nolan incarne actuellement la figure de l’auteur capable de s’imposer face aux majors. A voir le début de The Dark Knight Rises, il est permis d’y croire très brièvement. Puis en avançant dans le film d’en douter pour de bon. Avec ce dernier volet de sa trilogie « Batman », Nolan semble arriver au bout de l’impasse qu’on évoquait à l’époque d’Inception et que confirme ce nouveau film : un auteur a disparu.

The Dark Knight Rises n’est pas le fruit d’une vision singulière. Il est la traduction de ce qui semble être un désir trouble mêlant volonté de puissance et envie de chaos. Contrairement à une vision partagée qui offre un cadre d’invention aux acteurs et à l’image, le désir de Nolan quant à lui les assèche. Il est tellement clos sur lui-même qu’il ne peut plus rien offrir au hasard ou au dialogue avec l’autre. Dans The Dark Knight Rises, que ce soit le récit ou bien la réalisation, tout dans ce film s’écrit sous le signe du rapport de forces. Batman contre Bane pour l’opposition frontale, mais aussi Bruce Wayne contre Alfred le soutien de toujours, ou contre Catwoman l’enjeu de séduction d’une sorte d’alter ego. Le rapport de forces qui structure le récit se retrouve dans la réalisation. La maîtrise de l’information est totale et empêche l’image de vivre par elle-même. Elle y est totalement instrumentalisée et n’a rien à proposer d’autre que ce que Nolan veut lui faire dire, à savoir l’opposition de forces. Les voix ne prêtent leur timbre qu’à des dialogues fonctionnels qui servent surtout à donner du crédit psychologique à l’histoire. Que d’aveux des uns et des autres ! Que ce soit Gordon, Miranda, Blake, Selina, Bane ou Bruce, tout le monde passe son temps à se justifier ! Les corps et les expressions des acteurs sont contraints et appauvris également. A part peut-être pour Anne Athaway à de très rares moments, on sent que les acteurs font le boulot, mais rien de plus. Dans la chorégraphie des combats par exemple, on voit nettement certains figurants qui attendent bien sagement le moment décidé pour recevoir un coup (comme lorsque Batman vient aider Catwoman sur les toits de Gotham… à force, les scènes de combat en deviennent drôles). Côté personnages principaux, il n’est sans doute pas anodin que les femmes soient chargées d’apporter surprise et souplesse à l’histoire, ou à l’image. Mais le double jeu reste téléphoné. Marion Cotillard et Anne Hathaway ont beau être d’excellentes actrices, leur talent ici ne sert qu’à assouplir un peu la gaine dans laquelle Nolan les contient.

Cela vaut d’ailleurs pour l’ensemble de la distribution. Que ce soit la vieille garde cinq étoiles que composent Gary Oldman, Michael Caine, Morgan Freeman et Matthew Modine, ou les plus jeunes comme Tom Hardy, la qualité des acteurs se voit à leur capacité à ne pas trop tomber dans le ridicule (le pauvre Modine est servi !). Ils servent tous un désir qui leur est extérieur, sans pouvoir rien inventer en lien avec lui, un désir qui finalement reproduit les travers bien connus du film d’action alors qu’il semblait vouloir les éviter. La complexité factice des personnages masque surtout des contradictions criantes et faciles qui privent les caractères d’une réelle épaisseur. Bane se veut anarchiste tout en maintenant une relation de pouvoir avec Gotham. Il n’est pas l’insondable et pur agent du chaos que pouvait être le Joker dans l’opus précédent. Bruce Wayne est pétri de pulsions suicidaires mais grâce à une pirouette psychologique et scénaristique il s’en trouve finalement débarrassé et peut assurer l’essentiel, c’est-à-dire le spectacle et maintenir l’espoir. Personnages comme acteurs, ils ne partagent rien d’une vision de cinéma proposé par un auteur singulier, ils ne font que lui obéir dans ses contradictions. Du coup la fin devient inéluctable : Batman d’un côté et Nolan de l’autre, de plus en plus sourds à leurs soutiens respectifs, doivent au bout du compte vaincre toutes les résistances potentielles, qu’elles viennent de Bane, de Selina ou d’Alfred pour le premier, ou pour le second des acteurs, du producteur ou de l’image elle-même.

La réalisation de The Dark Knight Rises est en fait la traduction d’une situation particulière et qui n’a plus grand chose à voir avec le cinéma : en l’occurrence la situation de Nolan à Hollywood. Difficile de ne pas interpréter le film comme un symptôme. Le rapport de forces qui structure le geste de réalisation fait sûrement écho au rapport de forces que doit avoir Nolan avec la Warner. Et on serait tenté de croire de prime abord que le réalisateur a gagné son combat. Un casting de rêve, des moyens colossaux, l’autorisation de projeter un film vraiment long (2h44) et qui plus est sans 3D… En trois films, de The Dark Knight à ce dernier, en passant par Inception, il est frappant de voir combien avec le temps Nolan ne semble plus capable de s’autolimiter. Plus le temps passe et plus ses films sont obèses, trop lourds scénaristiquement et formellement fermés. Il y a quelque chose de la démonstration de puissance désespérée, de la parade militaire dispendieuse et déplacée. Ni la volonté de puissance, ni son envers le désir de chaos, ne remplacent une vision d’auteur. Eventuellement ils la servent en lui apportant de l’énergie. Mais ils ne s’y substituent pas. Et la Warner n’est pas folle. C’est une industrie financière rôdée aux bras de fer. Si elle laisse Nolan jouer ce jeu auto-destructeur sans trop le brider, c’est qu’elle y retrouve ses petits, le retour sur investissement. Elle y gagne au bout du compte. Sa puissance de frappe médiatique et le succès commercial des précédents films de Nolan ne lui font pas courir trop de risques. Ce qui compte, c’est de ne pas effrayer le spectateur et de lui servir ce qu’il attend. Nolan en pensant faire plier la Warner s’est fait plier lui-même en épuisant tout son crédit d’auteur. Il étouffe dans la malle sous ses joujoux, la pyrotechnie en tête, le casting ensuite… Il n’est plus que le super-agent d’un programme de divertissement qui le dépasse lui-même, qu’il alimente en pensant parfois en jouer, celui de la finance à tout-va. L’impasse est totale et Nolan est dans le mur. Saura-t-il s’arrêter et faire machine arrière ?

(*) par exemple en creux sous celle d’Isabelle Regnier du site Lemonde.fr qui parle de « Christopher Nolan, et la réputation de chevalier noir d’Hollywood du cinéaste, l’un des seuls ayant réussi à faire coïncider sa vision d’auteur avec la logique financière des studios », ou encore sous celle de Louis Guichard de Telerama.fr qui indique que « Nolan reste le seul auteur de blockbusters à filmer avec la même attention l’explosion d’un stade et une conversation furtive ».

Jacques Danvin

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The Dark Knight Rises de Christopher Nolan (Etats-Unis, Grande-Bretagne ; 2h44)

Date de sortie : 25 juillet 2012

bub

Showing 5 comments
  • yves

    Ton article ne vaut rien.
    Comme tant d’autres, tu casse un film que tout le monde adore pour faire du buzz, et tu écris des tonnes de choses vides de sens, avec de longue phrases, et une prose que tu suppose bonne parce qu’incompréhensible.
    Tu joue les psychologue et les sociologue pour critiquer un film ce qui est de l’ordre du ridicule.
    Apprend donc une chose : dire beaucoup, avec peu de mots, c’est ca savoir écrire. Et non débiter plusieurs paragraphes qui ne concernent finalement même pas le film mais qui ne sont qu’un charabia sans consistance déstiné à embrouiller tes lecteurs pour leur faire croire que tu es fin dans ton analyse.

  • Urumi

    Vu le Batman il y a trois semaines. Complètement d’accord avec l’idée d’instrumentalisation. Nolan se sert notamment du personnage de Bane pour une démonstration politique dégueulasse : 1) Gotham est gérée par des faucons idiots et sûrs d’eux-mêmes ; 2) l’insurrection couve, semble-t-il légitimement (The Cat est parfaite) ; 3) cette insurrection est finalement menée par des types présentés comme ignares (des prolétaires ?), assoiffés de sang et de pouvoir, des bolcheviques semble-t-il, puisqu’il neige ; 4) la révolution, donc, ça ne marche pas, et Batman est obligé d’intervenir. Les notables de Gotham, les hypocrites, sont sauvés (c’est un comble), ainsi que les masses (les classes moyennes ?) et quelques orphelins décoratifs. The Dark Knight Rises ne fait que répéter la lâcheté du précédent (avec le lâchage du Joker).
    Bref, complètement d’accord avec les contradictions dont tu parles. Après, sur Nolan lui-même, sa situation à Hollywood, je ne sais pas.

  • Urumi

    Après réflexion…
    Je comprends mieux le « Nolan comme super-agent d’un programme de divertissement ». Autant les régimes fascistes se sont vécu en concurrence avec Hollywood. Autant ta phrase inclut-elle peut-être aussi, en inversant les rôles, Nolan comme super-agent de studios qui se vivent comme prescripteur d’un maintien de l’ordre politique…
    Là, c’est sûr que le divertissement nous fait rester assis.

  • C'estvertmaisjuste

    Article idiot. Etes-vous payé à la ligne?

  • Islayre

    C’est un euphémisme de dire que The Dark Knigt Rises est un film sujet à débat.

    Si certaines critiques l’encensent (parce-que-de-toute-manière-Nolan-ne-peut-faire-que-de-bonnes-choses), si le public répond présent en masse (même si le nombre d’entrées n’arrivera pas au niveau du Batman précédent), il n’en reste pas moins que nombreux sont ceux qui considèrent cette conclusion comme un authentique naufrage cinématographique, le plus mauvais film du triptyque, voire le premier grand plantage du réalisateur.

    Qu’en est-il réellement ?

    Il convient tout d’abord d’analyser le film, avec ses qualités et ses défauts, au regard des deux films précédents consacrés au chevalier noir, de replacer The Dark Knight Rises dans le contexte strictement balisé de la trilogie.

    Que les choses soient claires des le départ : oui TDKR est largement en dessous de l’opus précédent. Mais si on y regarde de plus prêt, « l’accident » de la trilogie Nolan c’est en réalité The Dark Knight : TDKR n’a absolument pas à rougir d’une comparaison avec Batman Begins, film globalement assez moyen.

    Et même The Dark Knight, incontestablement le meilleur film des trois (et probablement l’un des deux meilleurs films consacrés à l’homme chauve-souris avec le Batman Returns de Tim Burton), n’est finalement pas exempt de défauts.

    Au fond, les différents ratages qui sautent aux yeux du spectateur dans TDKR sont consubstantiels de l’approche « Nolanienne » du style super-héroique.

    OUI, les scènes de combat de TDKR sont ratées : Christian Bale se bat comme ma grand-mère, un figurant sur deux attend bien gentiment son coup de tatane et le final façon Gangs of New-York est risible. Mais Nolan n’a JAMAIS été fichu de bien réaliser une scène d’action : il n’a pas la sens du rythme des combats, n’exige pas grand-chose de ses acteurs et estime vraisemblablement que l’intérêt de ses films n’est pas là.

    OUI, le scénario ne tient pas debout un quart de seconde. Le concept de base de Nolan (rationaliser l’histoire du Chevalier Noir pour l’ancrer dans une pseudo-réalité) est douteux depuis le début : à vouloir crédibiliser Batman on obtient en réalité l’effet inverse, on s’aperçoit que le concept même du milliardaire-orphelin-justicier est franchement boiteux. En dehors de ça, Nolan s’obstine contre vents et marées à surcharger ses scénarios, à confondre allégrement complexe et compliqué, à déstabiliser ses concepts de base pour le plaisir d’ajouter un détour ou un pseudo-rebondissement.

    OUI, le film est trop long d’une demi-heure. Là encore, comme TOUS les films du réalisateur, parce que le Nolan derrière la caméra est incapable de cadrer le Nolan scénariste qui adore s’écouter parler.

    Ceci posé, si les faiblesses de la trilogie sont toujours les mêmes, il convient aussi de reconnaître que Nolan a des atouts dans sa manche, des atouts qui lui permettent quand même d’emporter la mise sur chacun des trois films (avec plus ou moins de panache, admettons-le).

    Ces atouts ce sont ses méchants.

    Pour citer Alfred Hitchcock « Plus le méchant est réussi, plus le film est réussi ».

    Et, bon gré mal gré, Nolan arrive toujours à réussir ses méchants.

    C’est d’ailleurs la raison pour laquelle The Dark Knight est le meilleur film de la trilogie : parce que le Joker est une réussite totale.
    Tous les passages du scénario qui le concernent sont parfaitement huilés, les dialogues font mouche et la performance d’Heath Ledger est impressionnante : il n’en faut pas plus pour que le film fasse oublier qu’il souffre de tous les travers habituels de son réalisateur.

    Sur le premier film, le bilan est beaucoup moins positif mais on peut tout de même reconnaître que sa relecture « rationnelle » de Ras Al-Ghul (méchant authentiquement immortel dans les bandes dessinées) ne manque pas d’intérêt et que son épouvantail fonctionne impeccablement bien (servi, entre autres, par un Cillian Murphy en grande forme).

    Tout ça pour dire que ce qui sauve The Dark Knight Rises, malgré tous les écueils cités précédemment, c’est ENCORE les méchants.

    Bane et Catwoman sont des réussites.

    Le travail sur l’esthétique de Bane (apparence et voix) est parfait : rappelons tout de même qu’on parle d’un personnage représenté au départ (dans les comic books) comme un luchadore mexicain façon « OSS 117 : Rio ne répond plus ».
    Force est de reconnaître que la version de Nolan a un peu plus de gueule !
    Ajoutons aussi que Tom Hardy apporte véritablement quelque chose au rôle, une empreinte physique forte qui marque visuellement le spectateur et que notre terroriste bénéficie de quelques répliques bien senties au cours de l’histoire.
    De même, le retournement scénaristique final concernant l’homme au masque, point souvent critiqué comme artificiel voire grossier, est en réalité parfaitement cohérent avec la mythologie du chevalier noir. De plus, pour peu qu’on prenne la peine de revoir le film, il s’avère assez bien amené et loin d’être gratuit (comme pouvait l’être la fausse interrogation de la fin d’Inception, par exemple).

    Le bilan est identique pour Catwoman.
    Rappelons quand même que la pauvre Anne Hathaway partait de très loin puisqu’il lui fallait faire oublier la formidable Michelle Pfeiffer de Batman Returns.
    De mon point de vue le défi est relevé haut la main : si la Catwoman de Nolan ne fait pas oublier celle de Burton (alors que le Joker de TDK ringardise définitivement la version de Nicholson dans Batman) elle n’a pas un seul instant à rougir de la comparaison. L’actrice est convaincante, la rationalisation du personnage fonctionne bien (mention spéciale aux « oreilles de chat » du costume qui sont en réalité les lunettes de travail de la cambrioleuse) et le scénario lui offre quelques beaux moments de grâce (notamment la scène du bar, assez jubilatoire).

    Au final, ces deux personnages, à mon sens, emportent l’adhésion du spectateur, donnent au film ce petit truc en plus qui lui permet de dépasser ses incohérences scénaristiques, son coté mou-du-genou et ses tendances psychologisantes façon café du commerce.

    Alors certes on peut regretter que Nolan n’ait pas eu les couilles de faire de Bane un personnage authentiquement révolutionnaire, ce qui aurait été extrêmement intéressant puisque ça aurait placé, de facto, Batman dans une position ambiguë de gardien de l’ordre établi.

    Mais il n’en reste pas moins que leur confrontation fonctionne et que la scène paroxysmique de la destruction du masque/du mythe de l’homme chauve-souris par le terroriste possède un incontestable souffle épique.

    En cela TDKR est représentatif de l’ensemble de la trilogie : un travail cinématographique très inégal, tant au niveau du visuel que de l’histoire, mais maintenu en vie tout du long par la passion sincère du réalisateur pour les adversaires iconiques du chevalier noir et par sa volonté de moderniser leurs archétypes.

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