2KILOS&MORE
kurz vor 5

DDeterreOn parlait récemment du problème de l’étiquetage en rock, combien la catégorisation d’une musique peut d’une part sembler difficile, et d’autre part se révéler rapidement caduque. Si dans certains cas elle peut tout de même s’avérer utile histoire de savoir où l’on met les oreilles, une catégorisation devient surtout intéressante quand elle pousse à se demander sur quels critères elle repose. Avec Kurz vor 5 de 2Kilos&More, une très belle occasion nous est offerte de revenir à ce qui fait de l’Art Rock un genre si particulier. Où il est question de traduction visuelle de la musique – et inversement.

Si l’on se réfère à des groupes phares comme Genesis ou Pink Floyd, un groupe d’Art Rock se reconnaît par son goût du détail (l’attention portée au logo, une forme de continuité dans l’esprit des pochettes, la mise en scène de la musique par des films projetés en arrière-fond lors des concerts etc.) et par l’aspect plutôt expérimental de la musique qui en rend l’accès sans doute un peu plus complexe que pour la moyenne des sous-genres du pop-rock. De ce point de vue, 2Kilos&More s’inscrit parfaitement dans la mouvance mais du côté électronique : le soin apporté, depuis trois albums maintenant, à l’identité visuelle du groupe ne se dément pas. Couleurs vives, formes géométriques et postérieurs des intéressés (en premier ou second plan) sont des éléments qui permettent désormais d’identifier immédiatement le groupe puisque ce fil rouge esthétique est respecté de disque en disque. Cette constance dans la présentation physique de sa musique (une sorte de mix entre design graphique et science fiction rétro) se retrouve aussi dans les chansons, à la structure soignée et toujours évolutive, marquées de beats électro, de sons expérimentaux et de guitares tour à tour cristallines ou noisy.

Au-delà de son image, projetée sur le sleeve, le duo français a aussi le souci de celle, mentale, qui est suscitée par la musique. Dans 2Kilos&More la musique de film n’est en effet jamais bien loin, au détour de climats inquiétants et urbains qui prennent le temps pour s’installer et faire monter la pression. C’est ce qui fait l’une des spécificités de l’Art Rock : l’identité graphique du groupe et l’univers mental développé jouent un rôle prépondérant dans l’appréciation des compositions. Celles de Kurz vor 5 n’échappent pas à cette règle, elles sont en parfaite harmonie avec ce que Séverine Krouch et Hugues Villette montrent d’eux : colorées, sophistiquées, surprenantes.

Les couleurs sont vives sur « Les Rapports s’Inversent » ou « I Decided to Lie » parce que ces deux morceaux laissent la place à l’organique. Les couleurs sont pastelles sur « User OK Feelings Rejected » lorsque la mélodie se fait plus synthétique, couverte par des rythmes tribaux et la voix caverneuse de Black Sifichi. Et Kurz vor 5 est un album sophistiqué (d’aucuns diraient expérimental), parce que les constructions mathématiques des chansons échappent aux codes de la musique populaire. Alors, de la musique scientifique, Kurz vor 5 ? Dans la mesure où la précision, l’imagination dont témoigne le duo à l’égard du traitement du son sont comparables à  celles d’un laborantin, oui. Et en cela les morceaux de 2Kilos&More tournent le dos, littéralement (cf. les pochettes, donc), à la facilité. La boucle est ainsi bouclée, l’image rejoint le son et vice versa ; leur monde si singulier peut, doit être même, abordé par les deux côtés du miroir. C’est sans doute cela l’Art Rock, un projet large qui va au-delà de la musique et se rapproche, comme son nom l’indique, d’autres formes d’art.bub

François Corda

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2 Kilos & More / kurz vor 5

Date de sortie : 27 avril 2012

 

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