EDH
interview

nsbÀ J-35 des élections présidentielles, EDH ne donne aucune consigne de vote. BUB est un peu déçu mais il ira tout de même voir son groupe sur scène le vendredi 23 Mars au Point FMR. En attendant, et à l’heure de la sortie de Yaviz, son dernier très bon album, interview de la dame où il est question de station de ski déserte et de printemps éternellement décevants. Entre autres…

François Corda : Qu’est-ce qui a changé pour vous artistiquement parlant depuis Prédature (2010). Vos découvertes, vos déceptions ?

EDH : J’ai du mal à dissocier le plan artistique des autres plans. Entre Prédature et Yaviz, il s’est écoulé un peu plus de deux ans. Entre temps, les choses continuent de s’accélérer. Je ressens de plus en plus un état de survie latent autour de moi. Mon album traduit mes réactions à mon environnement proche, ce que je perçois de réalités plus lointaines, la manière dont je les absorbe à mon niveau, ravagée par les flux d’informations, hantée par mes propres démons. L’époque me semble très chaotique. Et contrairement à Prédature, cette fois ci je ne me sens pas hors phase.

FC : Plus encore que pour vos précédents disques la pochette de Yaviz illustre très bien votre musique, étrange, colorée… Et qui ne rigole pas. Qui est à l’origine du sleeve ?

EDH : J’aime bien produire des images qui prêtent à confusion. Que ce soit dans le cas de Prédature ou de Yaviz, je fais attention à ce que la pochette ne catégorise pas la musique et soit déroutante. Pas choquante, plutôt curieuse. Est-ce beau, est-ce laid ? J’arrive à diviser les opinions. Cette ambiguité me convient assez.

FC : EDH se présente désormais en trio sur scène, alors qu’avant vous étiez seule avec des machines. Est-ce que Yaviz, plus étoffé dans les arrangements que Prédature, a été élaboré, pensé pour le live ?

EDH : Prédature est un album plus intime. Yaviz est plus ouvert donc logiquement plus apte à exister sur scène. J’ai pensé Yaviz, surtout rythmiquement, de manière plus physique. Les morceaux de l’album dégagent beaucoup d’énergie sur scène. J’aime vraiment les jouer en live. Ma nouvelle association avec Elmapi à la batterie et Renka aux claviers donne une nouvelle dimension au projet. Beaucoup plus frontal, beaucoup plus direct.

FC : Vous êtes désormais entourée de deux musiciennes sur scène ? Est-ce important pour vous que ce soit des femmes et non des hommes ?

EDH : Au départ je n’y accordais pas vraiment d’importance. Mais finalement, l’idée me plaît beaucoup. Je pense qu’Elmapi, Renka et moi formons une sorte de girls band assez décalé et plutôt inédit. Notre formation soutient parfaitement la musique. Et cette association me semble tout a fait sensée dans le paysage musical actuel. Un décalage qui va dans un sens constructif. Nous ne sommes ni dans la démonstration ni dans le paraître. Nous dégageons quelque chose de singulier en adéquation avec la musique.

FC : Mais si vous deviez avoir dans votre groupe un homme, un seul, ce serait qui ?

EDH : Mon duo avec Hypo n’est pas terminé. Nous préparons un nouvel album ensemble. Donc pour l’instant, si je dois jouer avec un homme, ce sera Hypo.

FC : En bonne commerciale, si vous deviez définir Yaviz en trois mots, ce serait lesquels ?

EDH : Alors je suis très mauvaise commerciale. Mais j’ai parfois besoin de me plier à ce type d’exercice en tant que manager du label. Là c’est une interview. Je me considère en vacances et je pose mon joker!

FC : Plus dur : si Yaviz était un film, ce serait quoi ?

EDH : Un film avec des scènes dans une station de ski déserte, pesantes et silencieuses, avec parfois la radio qui se mettrait en route automatiquement. Entrecoupées de festin dans des hôtels de luxe, de salles de disco abandonnées et poussiéreuses. Le tout filmé avec un téléphone portable. C’est quoi ce film déjà ?

FC : Yaviz est tous claviers synthétiques dehors. Mais les chansons restent pop, très mélodiques. Du coup peut-on envisager qu’EDH devienne un jour un projet avec des instruments plus organiques, avec piano, guitare, batterie ?

EDH : Je ne sais pas. Le mélange basse/synthé me plaît vraiment. Je pourrai toujours trouver d’autres combinaisons. Mais je tiens à mes sons synthétiques. J’ai un plaisir totalement jouissif à empiler les mélodies synthétiques les unes par dessus les autres. Mais sait-on jamais…

FC : À ce sujet,  vous pourriez nous donner quelques noms d’artistes, en dehors du monde de l’électronique, qui vous plaisent ?

EDH : ESG, Jah Wooble, les Slits, The Fall, les Shaggs, Daniel Johnston, les Young Marbble Giant, Disco Inferno… Bon là c’est les premiers trucs qui me viennent en tête, mais y en a plein et des trucs sûrement un peu plus récents.

FC : Dans quel but avoir créé votre propre label, Lentonia ?

EDH : Je n’ai jamais voulu créer de label. C’est en sortant un EP sur Lentonia Records que j’ai rencontré Elise Pierre, la fondatrice du label. Le fait de collaborer ensemble s’est fait petit à petit et très naturellement. De mon plein gré jamais je ne me serai lancée dans une telle entreprise. Diriger un label c’est peut-être le pire maillon de la chaîne. C’est extrêmement chronophage, nous prenons beaucoup de risques et investissons financièrement tout ce que nous avons. Il y a un côté suicidaire à monter un label de nos jours. Mais c’est également beaucoup de plaisir. Nous adorons musicalement et humainement les groupes qui sortent sur notre label, et nous faisons un travail que nous jugeons indispensable.

FC : À quoi va ressembler votre printemps 2012 ?

EDH : Chaque année, j’ai l’impression de vivre pour le retour du printemps. Et chaque année je suis déçue. Chaque année je me fais avoir.

FC : Si vous étiez élue présidente de la République Française en mai, quelle serait votre première mesure ?

EDH : On arrête tout. Mais vraiment tout ! Et on recommence depuis le début.

FC : D’après vous, quel est l’homme politique actuel qui ressemble le plus à BUB ?

Là c’est à vous de me le dire. Je suis sûre que vous avez une petite idée sur la question. Mais si vous voulez parler politique, sachez que la campagne présidentielle j’ai bien envie de m’asseoir dessus. Je ferai un effort, j’irai voter. J’étudierai calmement les options. Mais à ce stade j’ai juste envie de me boucher les oreilles.

François Cordapar