CONTAGION
Steven Soderbergh

DeterreLe nouveau film de Steven Soderbergh, par le choix de son sujet et sa manière de le traiter, affiche une unité d’ensemble qui frise la perfection. Mieux : Contagion est une œuvre de maître. Car sa forme et son contenu se répondent l’un à l’autre pour découvrir une question de cinéma à laquelle le film livre une réponse ni simpliste ni définitive.

La question que le film révèle porte sur la nature d’une contagion. Si l’on s’en tient d’abord à l’histoire racontée, il s’agit de savoir comment le virus se transmet d’un individu à l’autre, et métaphoriquement comment la panique gagne les populations. Si le virus se transmet par contact avec une surface contaminée durant la période d’incubation, la panique dépend quant à elle de l’information que les médias communiquent en fonction de leurs intérêts économico-politiques. Bref, la transmission est toujours affaire de médiation.

De manière très cohérente, les trois premiers quarts du film sont narrativement construits pour rendre compte de l’emballement. A l’histoire singulière de la famille Emhoff (Matt Damon et Gwyneth Paltrow) qui ouvre le film se mêlent ensuite progressivement celles plus ou moins séparées du Dr. Cheever (Laurence Fishburne), du Dr. Mears (Kate Winslet), du journaliste Alan Krumwiede (Jude Law), du Dr. Orantes (Marion Cotillard), etc. D’un point de vue stylistique, le montage lui-même participe de cette impression d’emballement. Sont essentielles dans l’économie du film toutes les séquences patchworks composées d’images hétérogènes, séquences dans lesquelles se succèdent des lieux très distants (Paris, Chicago, Hong Kong), aux tonalités différentes (à dominante bleue, verte, orange) et produites selon plusieurs régimes d’image (archive TV, capture vidéo avec un téléphone mobile, 35 ou 70mm de la caméra de Soderbergh). Et ce montage d’images n’a en fait d’autre logique que de montrer le raccord pour lui-même. A l’instar de la surface contaminée et des médias Web ou télévisés, le raccord est l’élément de médiation poétique et cinématographique qui fait que la peur se transmet d’image en image.

Mais le raccord ne transmet pas que la peur d’une image à l’autre. Il transmet aussi l’espoir et l’apaisement. Le dernier quart du film rend compte de cette vague de reflux. L’enchaînement des séquences se fait plus doux au fur et à mesure que le calme des populations revient et que le plan de vaccination se déploie. Le pouvoir en place reprend ses droits et fixe qui parmi les médias est de confiance et qui ne l’est pas. Les drames personnels que le montage avait entremêlés trouvent une forme de résolution, et le film se replie sur son origine : le fil singulier de la famille Emhoff est tout d’abord repris, puis vient l’explication, le jour 1 où tout a commencé.

Au final le film Contagion communique de manière irrésistible au spectateur quelque chose de très puissant. Car il émeut par sa distance. Il fait réfléchir. Il est cohérent. Il est magistral.

Jacques Danvin

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Contagion de Steven Soderbergh (Emirats, Etats-Unis ; 1h46)

Date de sortie : 9 novembre 2011

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