Polisse
Maïwenn

DeterreComme l’orthographe de son titre, le film Polisse joue avec la justesse comme si elle était une limite excitante et dangereuse qu’on ne fait qu’approcher. Justesse du récit et des situations, justesse des hommes et de leurs actions, justesse des acteurs et de leur entente, ou encore justesse pour Maïwenn d’aller réaliser un film sur la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) : la force de l’œuvre Polisse réside tout autant dans ce qu’elle montre et fait sentir que dans son effort continu à jouer avec le feu.

Ce que ce film montre et fait sentir, c’est une limite à laquelle se trouvent sans cesse confrontés les policiers membres de la BPM. Limite de leur possibilité d’intervention, mais aussi et surtout limite humaine de celle ou celui qui doit faire face à la souffrance des victimes et à la violence des coupables, et qui n’est pas en droit de juger. Le manque de véhicules et les complications administratives entre les services sont finalement aussi prosaïques que révélateurs d’une impuissance beaucoup plus terrible : celle de Fred (Joey Starr, redoutable) à savoir se protéger lui-même et par conséquent à prendre soin de sa famille, ou celle d’Iris (Marina Foïs, sèche) à accepter l’ironie de pouvoir monter en grade alors qu’elle se rend compte qu’elle est autodestructrice.

Et pour montrer et faire sentir cette limite, Maïwenn choisit un dispositif d’approche tout en tâtonnements. Il y a pour cette fiction une manière souvent émouvante de se tenir à la limite du documentaire : l’énergie des enfants roumains dans le bus qui les emmène dans un foyer d’accueil et qui soulage un peu Nadine (Karine Viard, influençable), les larmes et les cris de détresse du petit Ousmane que sa mère est obligée d’abandonner et que Fred et Mélissa (Maïwenn, hésitante) tentent de réconforter, ou aussi les soirées collectives où vies privées et vies professionnelles se mélangent, que ce soit en discothèque ou chez Iris à jouer à Time’s Up. Il y a également pour ce récit un nombre d’histoires parallèles plus ou moins importantes qui ensemble ne forment pas forcément un tout clair et maîtrisé mais qui séparément semblent chercher à circonvenir un même objet. Que ce soit la relation de Nadine avec son mari divorcé ou celle de Mme de la Faublaise (Sandrine Kimberlain, soumise) avec son mari pas encore divorcé, il s’agit de la découverte vivifiante ou insupportable de soi et/ou de l’autre comme étranger à aimer ou à fuir.

La construction du récit, la pudeur quant aux motivations personnelles des uns et des autres et qui contraste tant avec l’exposition crue des faits, le montage sans unité particulière, la proximité toujours moyenne des corps : tout est un peu comme la position de Mélissa / Maïwenn dans le film. Photographe hésitante venue réaliser un reportage sur le quotidien de la BPM, aux premières loges et au contact de ceux qui éprouvent la limite au jour le jour, elle va chercher la justesse inquiétante de son regard en multipliant les angles sans jamais être sûre d’avoir trouvé le bon. Et ça, c’est ce que fait Polisse aussi, toujours à la recherche de sa justesse, toujours sur le fil des émotions. Le fil de la rencontre, le fil de l’incompréhension.gg

Jacques Danvin

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Polisse de Maïwenn (France ; 2h07)

Date de sortie : 19 octobre 2011

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