LE SKYLAB
Julie Delpy

DeterreSi jamais le nouveau film de Julie Delpy ne trouve pas son public, son auteure pourra toujours se targuer d’avoir rencontré un succès d’estime. La presse spécialisée en effet reconnaît à cette œuvre beaucoup de qualités et rares sont ceux qui mettent en doute son statut de bon film, voire de très bon film. Mais Le Skylab de Julie Delpy n’est pas qu’un très bon film. Il est en fait admirable. Car sous ses airs simples il réalise pleinement une idée aussi pertinente que discrète : le cinéma, c’est comme une fête de famille.

Vue sous l’angle du Skylab, une fête de famille, c’est trois choses : 1/ d’abord une occasion de faire tenir ensemble des éléments hétérogènes – des générations différentes ; des hommes et des femmes ; des artistes de gauche, des militaires de droite…  –, 2/ ensuite de les faire se croiser dans des situations plus ou moins attendues – de la traditionnelle partie de foot masculine jusqu’à la rencontre fortuite entre Robert et Suzette qui le surprend à farfouiller dans l’armoire à pharmacie… – et 3/ l’opportunité enfin de faire surgir de ces multiples croisements de nouvelles émotions comme par inadvertance – la sollicitude généreuse et insouciante des enfants après le suicide raté du grand oncle Alfred ; l’inquiétude amusée de Monique et d’Anna quand leur belle-sœur leur avoue que son mari la prend vingt fois par nuit…

Pour réaliser cette fête de famille, Julie Delpy propose avec discrétion le geste adéquat. Elle varie sans cesse les effets de focale scénaristique pour multiplier les types de rencontres entre les personnages. Elle joue très simplement des échelles de plans selon qu’elle cherche à isoler quelqu’un ou un binôme, ou au contraire à rassembler les convives qui gravitent autour de la table. Elle utilise sobrement les niveaux de profondeur de champ qui permettent de faire apparaître ou de faire disparaître dans la distance qui sépare deux individus d’autres personnes avec qui alliance ou conflit sont possibles. Et de tous ces raccords de personnalités qu’occasionnent les raccords de plan, de ces montages, démontages, remontages de clichés qui produisent de nouvelles situations de retrouvailles et de paroles, elle parvient à libérer des énergies, des rires, des larmes, des soupirs et des cris dans un concert varié et maîtrisé mais qui jamais ne tourne à la démonstration.

Ainsi, Le Skylab est bien plus qu’un succès d’estime et potentiellement un succès commercial. C’est un film total tant son geste de réalisation se prête à son sujet pour en faire partager toute la richesse. Et il présente un cinéma où comme dans une fête de famille on ne prétend pas tout savoir de l’autre pour se rassurer, on s’accommode de ses différences car on l’aime.

Jacques Danvin

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Le Skylab de Julie Delpy (France ; 1h53)

Date de sortie : 5 octobre 2011

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