Les contes de la nuit
Michel Ocelot

DeterreDans Kirikou et la sorcière (1998), un petit bonhomme réussissait à retirer une épine du dos de Karaba la sorcière et à transformer celle-ci en princesse. Cet acte concentrait à lui seul la vigueur et la singularité du travail de Michel Ocelot : le mal n’existe pas sans raison, il est le produit d’une souffrance que des petits gars patients et obstinés peuvent permettre d’abolir.

Cette épine, c’est celle qui, dans l’un de ces six Contes de la nuit, empêche les habitants d’un village d’Afrique de reconnaître les dons du garçon tam-tam. C’est elle qui fait dire à un gardien du pays des morts des Antilles que le seul moyen d’affronter la guêpe, la mangouste et l’iguane reste de les empoisonner. C’est encore elle qui rend la population d’une ville aztèque esclave de ses peurs et de ses représentations. C’est peut-être également elle qui amène certains à faire la fine bouche devant les Contes de la nuit. Car, après plusieurs longs métrages colorés, et encensés à très juste titre, la dernière livraison de Michel Ocelot est passée assez inaperçue. Surtout, elle a été à nouveau refoulée vers le secteur du sempiternel cinéma pour enfants. Et ça, c’est une sacrée épine.

En effet, il ne suffit peut-être pas de louer les talents d’orfèvre du cinéaste. De parler de tolérance, de richesse graphique, d’intelligence pour qualifier ses films. Ces mots semblent résonner dans le vide quand ils ne se rattachent pas à l’une des choses qui meut le cinéma de Michel Ocelot – c’est-à-dire cette entreprise d’enlèvement des épines. Dans un sens, même, le rabâchage de ces mots stabilise ce cinéma. Il le range. Ce n’est pas ce qui pouvait arriver de mieux à une œuvre d’abord insolente, indolente, contestataire et douce. D’être mise en musée. Et d’être cantonnée, donc, à ce cinéma pour enfants.

Qui sont donc ces adultes qui décident de ces classements, si ce n’est des victimes d’une épine, plus intéressés à débattre de la pertinence de la 3D que du contenu politique de l’œuvre de Michel Ocelot ? Cette 3D qui apporte justement ce qu’aucun film jusque-là n’avait su apporter ; aucun n’avait donné autant de sens à la technique, à cette superposition de surfaces, de couleurs surnaturelles, de points de vue, de gammes. Ici, les découpages de l’image sont clairs comme l’est la morale du film : on ne ment pas et on aime profondément. Ici, il y a la curiosité pour l’inconnu, la texture des tissus, la soif de vérité, l’empathie pour les monstres, le tout en relief, comme une tentative pour faire exister des formes qui pourraient rester théoriques. Ici, il y a les petites choses que fait Michel Ocelot, et qui nous rapprochent encore une fois de la lumière.bub

Marc Urumi

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Les Contes de la nuit de Michel Ocelot (France ; 1h24)

Date de sortie : 20 juillet 2011

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