Jay-Jay Johanson
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FocusAprès un parcours sans faute dans le monde fermé du trip-hop avec trois albums superbes (Whiskey (1997), Tattoo (1998) et Poison (2000)), Jay-Jay Johanson a tenté, avec Antenna (2002) et Rush (2005), deux excursions inattendues dans le dancefloor. Ce qui a valu au suédois foudres critiques et un certain délaissement de la part d’un public conditionné à son style éclaté entre le jazz, l’électronique et les bandes originales de films. Audace, vous avez dit audace ?

Le trip-hop a fait long feu, on le sait, et Jay-Jay Johanson l’a compris très vite. Résultat, après Poison il décide de changer de face, voire même d’identité. Place à l’androgynie, un clin d’œil très marqué aux années qui l’ont influencé pour Antenna, à savoir les eighties. Par conséquent l’électronique n’a jamais été aussi présente, et le ton est résolument plus up-beat. La froideur mécanique a pris le pied sur la chaleur des instruments acoustiques. Pour autant, dans Antenna, la musique et les textes restent empreints de nostalgie, sentiment que Johanson maîtrise à la perfection. Et au final, les compositions ne sont pas toutes taillées pour la bande FM, bien au contraire. L’équilibre entre morceaux accrocheurs et étrangetés est subtil. Ainsi « Kate », « Open Up », « Wonderful Combat », « 1984 » et « Tomorrow » vont bien plus loin que le simple hommage aux aînés. Ils renouvellent totalement le son trip-hop, tout en gardant un tempo traînant, inhérent au style.

Rush sort trois ans plus tard et cette période de réflexion, supérieure à la moyenne pour le suédois, laissait penser que ce dernier changerait à nouveau son fusil d’épaule pour rassurer tout le monde. Surprise de taille, l’album, étonnamment simple et abordable, a l’immense courage d’enfoncer le clou du synthétique alors que c’est clairement cet aspect qui a découragé certains de ses aficionados. Si Antenna regardait à la fois vers le passé (synthétiseurs et sons que d’aucuns qualifieraient de racoleurs) et vers l’avenir (travail sur les rythmes notamment), Rush est lui résolument ancré dans le passé, lorgnant vers les succès à la Bronski Beat. Mais là encore Jay-Jay Johanson ne tombe jamais dans le putassier : sa voix aérienne, travaillée à l’extrême, et cette éternelle mélancolie qui lui collent à la peau lui permettent d’éviter immédiatement les rapprochements douteux. Rush revêt donc des atours séduisants, suaves, mais son écoute ne satisfera aucunement celui qui cherche dans certains succès des eighties le décalage parfois risible et jouissif d’une époque enterrée un peu vite par les critiques.

François Corda

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