PJ Harvey
the hope six demolition project

DuelDepuis White Chalk, PJ Harvey s’engage dans des projets conceptuels, où, tant dans la forme que le fond, l’Anglaise ne cède à aucune compromission. Pour le meilleur ou pour le pire ?

François Corda : Que représente PJ Harvey pour toi aujourd’hui ? Comment perçois-tu sa carrière ?

Ivann Davis : PJ Harvey est une figure emblématique de la scène pop/rock. Je l’ai découvert sur le tard avec l’album Stories from the City, Stories from the Sea (2000). J’ai ensuite rétrospectivement découvert le début de sa carrière et ses fameux albums de rock alternatif tel que Dry ou Rid of Me. Je n’ai pas toujours salué ses directions artistiques, l’album White Chalk par exemple m’a laissé assez perplexe, mais c’est une artiste attachante pour laquelle j’ai un réel intérêt et dont j’aime avant toute chose la voix et le charisme. Concernant sa carrière, il y a à boire et à manger, du rock cradingue de ses trois premiers albums aux ambiances gothiques minimalistes (White Chalk) en passant par la pop (Stories from the City, Stories from the Sea) ou même un peu d’électro (Is This Desire ?), PJ à toujours su se renouveler. Elle prend des risques et elle a une vraie intégrité artistique. Je la respecte beaucoup pour cela.

FC : Oui il y a chez elle de vrais engagements. Je regrette seulement le fait, notamment depuis White Chalk, que le concept passe parfois au-dessus des compositions elles-mêmes. En ce sens, Let England Shake était un petit miracle puisqu’il réussissait à redéfinir parfaitement la personnalité artistique de la dame en choisissant une voie musicale jamais explorée par elle. En revanche, White Chalk, comme The Hope Six Demolition Project, sont à mon sens des échecs dans la mesure où, au-delà de l’ossature (piano-voix pour le premier, cuivres et choeurs masculins pour le second), on a la sensation que les chansons sont peu écrites. Tu n’es pas d’accord je crois ?

ID : Non en effet ! Pour moi, il n’y a rien à jeter dans cet album, chaque morceau est un tube, sa facilité apparente te permet de le siffloter, la richesse de ses arrangements est un régal et ses textes font monter l’émotion (« The Ministry of Defence » par exemple). On est loin du très ennuyeux White Chalk et puis je ne te cache pas que les influences free jazz et plus largement le travail sur les les cuivres ont particulièrement plu à l’amateur de jazz que je suis !

FC : The Hope Six Demolition Project est un disque que j’ai trouvé fatiguant. Simpliste mélodiquement (comme l’était White Chalk à mon avis). On sent que PJ Harvey a trouvé un son, une ambiance, c’est indéniable. On a aussi la sensation qu’il n’y a qu’elle pour créer ce moyen d’envelopper l’auditeur dans quelque chose d’à la fois familier et en même temps totalement singulier. Mais, comme pour White Chalk, je me sens là emprisonné dans un pur concept où seul compte le pari artistique. J’aimerais, à l’instar de Radiohead, qu’elle revienne à un peu de simplicité, qu’elle se remette à écrire des chansons. Je trouve ça incroyable que tu trouves The Hope Six Demolition Project accrocheur ! Stories from the City, Stories from the Sea, ça oui, c’était une usine à tubes !

ID : Faussement simpliste alors car les lignes mélodiques de « A line in the Sand » ou « River Anacostia » sont bien plus difficiles à pondre que n’importe quelle chanson de Coldplay. Avec Is This Desire ? et Uh Huh Her, Stories from the City Stories from the Sea est l’un de mes albums préférés de PJ Harvey. C’est marrant que tu parles de lui car à mon sens The Hope Six Demolition Project partage avec ce dernier ce côté entraînant et lumineux. Tu reproches à PJ Harvey de ne pas écrire des chansons, alors qu’il s’agit ici précisément de ça ! Hormis la richesse de certaines orchestrations, les structures sont assez simples et la qualité de son écriture, avec ses textes engagés, démontre une fois de plus tout son talent de chansonnière.

FC : En fait ce que je reproche à l’album c’est une inadéquation entre l’ambition, très importante, et une technique musicale assez rudimentaire. Sur White Chalk, PJ Harvey se contentait d’appuyer sur la pédale forte de son piano pour compenser une certaine facilité mélodique. Je ne demande pas de solos démentiels (et surtout pas de free jazz de mon côté !), mais les cuivres et les choeurs que l’on entend sur The Hope Six Demolition Project me semblent très ternes, très limités. Dans ce cadre particulier d’arrangements, j’aurais aimé un peu plus de folie, un peu plus de liberté !

ID : Je reconnais que c’est un album très cadré. Il n’y a pas la folie, le lâché prise de ses albums rock. Mais j’ai toujours eu une préférence pour la PJ Harvey pop ; je trouve ses albums plus soignés, plus fins et mieux produits.bub

Ivann Davis et François Corda

bub

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PJ Harvey / the hope six demolition project

Date de sortie : 15 avril 2016

 

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