Seul sur Mars
Ridley Scott

EnterrePour se convaincre que Ridley Scott n’est décidément qu’un cinéaste mineur, qui a abattu toutes ses cartes depuis longtemps, il suffit de regarder Seul sur Mars. Alors qu’Alfonso Cuaron et Christopher Nolan exploitent l’espace respectivement comme un spectacle de danse et une quête métaphysique, Ridley Scott, lui, voit en Mars le moyen de tourner… une sitcom.

La présence physique doublée d’un visage angélique de Matt Damon a depuis longtemps fait ses preuves : ici en roue libre dans un abri précaire, il semble s’éclater à jouer les Newton/McGyver du 21ème siècle. Cette volonté de s’opposer coûte que coûte à la mode du survival glauque est louable ; l’humour potache, omniprésent, se révèle même être le meilleur moteur de Seul sur Mars. Quant à l’idée surprenante du huis clos un peu cheap, il faudrait être aveugle pour ne pas y voir une réponse intelligente aux échecs cinématographiques liés au rêve martien, de Mission to Mars à Ghosts of Mars en passant par le récent John Carter. C’est un fait, on ne compte plus les réalisateurs de talent qui se sont brûlés les ailes à trop s’approcher de la planète rouge (seul Verhoeven, avec Total Recall, s’est montré à la hauteur du défi).

Seul sur Mars pourrait très bien se lire comme une parabole sociétale résolument optimiste : Matt Damon a la physionomie et l’attitude de l’américain moyen. Cette exploration martienne qui échoue avant d’avoir commencé, c’est l’ère Obama qui s’achève, un goût amer d’inachevé en bouche. Ridley Scott prend tout cela à la légère, et c’est plutôt réjouissant : il aurait tenu cette ligne jusqu’au bout, il aurait donc réussi un gros coup à petit coût.

Mais c’est sans compter que Seul sur Mars s’étire sur 2h30 : dès lors que le film dérive en mission de sauvetage, les vœux pieux fondent comme neige au soleil. Du travail improvisé de fourmi en solitaire on passe aux grandes manœuvres d’équipes coachées, déjà vues mille fois, jusqu’à une ridicule alliance sino-américaine téléphonée. Les grands studios reprennent leurs droits, le spectateur est rassuré : même à 225 millions de kilomètres, lorsque l’on est américain, de la NASA de surcroît, on n’est jamais isolé bien longtemps. Amusant de constater que c’est à partir du moment où les communications entre Mars et la Terre reprennent que le Seul sur Mars (titre ô combien trompeur) se referme et nous perd dans le vide de ses intentions. Suivent alors les banalités habituelles, entre deadlines impossibles mais possibles quand même, problèmes logistiques résolus sur le fil, sacrifices humains et familiaux pour la grande cause. Peu importent les détails, on les connaît déjà.

Le plus rude reste sans doute cette nouvelle vision de Mars, décharnée de tout onirisme. Le comble pour le réalisateur d’Alien et Blade Runner ! Ridley Scott a préféré les paysages naturels aux pixels, pour le « réalisme » sans doute. Il a choisi de revenir aux fondamentaux : filmer un véhicule miniature dans le désert jordanien pour nous « faire croire » au gigantisme de la planète. Le problème c’est qu’on n’est plus dans les années 1950, ni même en 2005 : Mars on connaît maintenant. Mais ne manque-t-il pas à son Koh-Lanta interstellaire l’essentiel : l’imaginaire ?

François Cordag

 

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Seul sur Mars de Ridley Scott (Etats-Unis ; 2h22)

Date de sortie : 21 octobre 2015

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