Restless & la guerre est déclarée
Gus van sant & Valérie Donzelli

uRevueC’est une affaire de piège à éviter. Soit deux films, Restless et La Guerre est déclarée, qui ont ouvert, en mai dernier, les deux sections parallèles du festival de Cannes. Deux films à la matière intimidante, celle de la maladie, une tumeur au cerveau plus précisément, qui touche respectivement une adolescente et un tout jeune enfant. Existe-t-il, outre la coïncidence des sorties, une prise pour parler des deux œuvres à la fois, une prise qui, vu le sujet, permettrait de ne pas les recevoir en pleine figure ?

Cette prise peut être offerte par la lecture de deux très belles critiques du film de Valérie Donzelli, celle de Jérôme Momcilovic dans Chronicart, et celle de Jean-Philippe Tessé dans les Cahiers du cinéma. On peut y piocher deux idées qui pourraient structurer cette critique-ci, deux verbes qui tentent de dire ce que ces deux films font ou ne font pas : attester et désamorcer. Le premier verbe est employé par Jean-Philippe Tessé. Selon lui, « souvent les films ne font qu’attester les sentiments, comme des acquis, tandis que celui-ci (de Valérie Donzelli) entreprend d’exprimer la nature de ce lien, d’en restituer le mystère autant que l’évidence ». Cette entreprise est une grande force du film, notamment quand il parvient, dans la durée, à dire ce qui fait la matière d’un couple, et, oui, son évidence. C’est ce qui manque au Restless de Gus Van Sant. Lui ne parvient pas à tirer une matière vivante de ce qu’il filme. Son histoire, calibrée pour une sentimentalité télévisuelle, faussement décalée, tangue entre des dialogues trop signifiants et d’autres qui sonnent creux. Rien ne sort de ces deux beaux visages, Enoch, jeune dandy hanté par la mort de ses parents et dont le meilleur ami est le fantôme d’un kamikaze japonais, et Annabelle, la belle Annabelle aux cheveux courts, qui dessine des oiseaux, qui admire Darwin et qui va bientôt mourir. Romantisme poussif.

Le second verbe est utilisé par Jérôme Momcilovic. Selon lui le piège de La Guerre est déclarée tient en ce qu’il désamorce « par avance toute tentation de brandir le carton rouge de l’obscénité » par un protocole cinématographique où une chanson pop ou une petite phrase audacieuse vient répondre à chaque crise de larmes et à chaque couplet pathos. Autrement dit, ce film a, en lui, la « parade » à tout ce qui pourrait être dit d’autre que ce qu’il ne dit déjà. Il a une arrogance qui empêche d’y adhérer. Qui le rend même détestable. La posture de Gus Van Sant, elle, empêche de ne voir dans son film, qu’un coup – ce qui a parfois été évoqué pour parler du prétendu rapprochement entre le cinéaste et Hollywood. L’Américain n’a rien à répondre par avance : il ne donne pas de leçon de romantisme, il est romantique, c’est tout. Et c’est ce qui finalement, évite au film de déplaire totalement.

Restless ne désamorce rien, mais il ne fait qu’attester. La guerre est déclarée, lui, n’atteste pas, mais il désamorce. Mièvrerie contre arrogance. Hommage surtout à la critique, qui sait parfois offrir des prises sans lesquelles on se serait trouvé piégé et sans espace pour penser des films qui ne font pas rêver.bub

Marc Urumi

bub

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Restless de Gus Van Sant (Etats-Unis ; 1h35)

Date de sortie : 21 septembre 2011

 

La guerre est déclarée de Valérie Donzelli (France ; 1h40)

Date de sortie : 31 août 2011

bub

 

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