MONSTERS
Gareth Edwards

EnterreMonsters est le premier film de Gareth Edwards, à qui l’on doit la dernière version en date de Godzilla. Accueilli à sa sortie comme un petit objet inventif, le film s’avère symptomatique des prétentions, mais surtout du vide d’un type de cinéma aujourd’hui.

Premier geste : déjouer les attentes du spectateur et revisiter un genre par le bas, ici une SF avec des extraterrestres géants que l’on ne voit quasi jamais. La méthode, souvent commandée par le manque d’argent, est parfois riche, mais la débrouille ne fait pas un film. Autre tentative, la plus contemporaine presque, poétiser, lécher ses images – les lisser de tout contenu – leur donner un versant hypnotique, alors que les deux personnages principaux prennent des photos, boivent des tequilas, regardent le décor : le cinéma comme sédatif ? Enfin, la dimension ostensiblement pamphlétaire, la plus douteuse : un gouvernement se mure pour se protéger des grosses bêtes ; une Américaine se demande si la vie réglée d’une Américaine n’est pas trop réglée ; un Américain prend conscience qu’il ne veut pas photographier des petites filles mortes, même si le cliché est payé 50 000 dollars américains.

On se doute que, en pointillés, il y a matière à développement : l’aveuglement d’un mode de gouvernement, la description d’un vide contemporain, etc. Mais il y a brouillage et inconséquence. Gareth Edwards dénonce l’arrogance d’un surarmement tout en compatissant pour des personnages arrogants qui s’évertuent à vouloir des passe-droits en raison de leur nationalité (« Mais nous sommes Américains ! »). Qui plus est, il fait mine de remettre en cause un mode de vie cadenassé, tout en faisant appel à une idéologie qui n’envisage que ce mode de vie. Selon cette idéologie qui égrène les clichés, il y a plusieurs types de Mexicains : ceux qui procréent et offrent l’hospitalité en pleine nuit, ceux aux cheveux gominés qui n’aiment rien que l’argent, ceux qui couchent et volent les passeports, ceux qui correspondent à l’iconographie guérilleriste et meurent en masse dans la forêt, de manière indifférenciée. Ces types sont sous le regard du Blanc, celui du personnage américain, celui du réalisateur britannique, qui garde sa domination jusque dans sa faculté de la dénoncer – mais à contre-sens comme on l’a dit. Regard dominateur symbolisé par le motif du photoreporter, qui met sur le dos des pays pas encore développés, les tares que le pays a pu développer localement au contact des pays prétendument développés.

Ainsi, si le Mexique est intéressant, c’est par sa forêt et son régime culinaire… Cette dimension touristique, fermée sur elle-même, marque la faillite du film : l’intérêt dramaturgique est réduit au sauvetage de deux personnages sans fond et à la possibilité de leur idylle ; les plans semblent conçus sur le seul principe de reports de point sans fondement  ; le rythme de ballade en territoire exotique achève toute tension qui aurait pu naître de la présence extra-terrestre. Peu à peu, le film s’enfonce dans une pure forme visuelle, sans pensée, sans nœuds et sans étrangeté – mis à part la présence de champignons extraterrestres sur lesquels les personnages s’attardent peu. C’est de l’image pure, comme disait Serge Daney, un royaume qui relèverait de la technique et de l’inventivité. Inventivité décorative (Gareth Edwards est issu des effets spéciaux), inventivité publicitaire (faire porter des masques à gaz à des enfants). Au final, ce dont parle le film, c’est de misère : celle de ne rien avoir à dire et d’essayer de le dire malgré tout.bub

Marc Urumi

bub

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Monsters de Gareth Edwards (Royaume-Uni ; 1h33)

Date de sortie : 2010

bub

 

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