HARRY BROWN
Daniel Barber

DeterreC’est une chance, Harry Brown, morbide thriller urbain, bénéficie d’une mise en scène à l’image de la vengeance de son héros : sèche, directe, sans bavure. Il fallait cette forme d’humilité face à un sujet aussi casse-gueule : un retraité des GI, veuf, en apparence très pacifique, se heurte à la sauvagerie des cités et se décide à lui rentrer dans le lard après l’assassinat de son meilleur ami. Daniel Barber semble au départ se contenter de faire (bien) le job, sans complaisance dans les scènes de violence (très réalistes), et avec un regard aiguisé quand il s’agit de filmer l’intimité de ses personnages. Mais parce qu’il a su donner un supplément d’âme et de vérité au combat de ce vétéran, que l’on sait être le dernier, le jeune réalisateur anglais fait muer rapidement son programme de vigilant en drame contemporain.

Un bon vigilant,c’est quoi ? Un film d’autodéfense sans violence gratuite, un premier degré assumé. Mais c’est aussi la description d’une forme de mal pur contre lequel va buter le héros au détriment de son intégrité morale. Ici, le mal est incarné par une cité dans tout ce qu’elle a de plus vérolé, avec sa hiérarchie (au sommet les caïds, au bas de la pyramide les vieux inoffensifs), ses marginaux (les dealers) et ses flics dépassés par les événements. Mais plus que ses délinquants, c’est la cité en tant qu’entité architecturale qui est désignée comme étant le mal profond : ses tours laissées à l’abandon, son couloir sombre et maléfique sont au moins aussi malsains que ceux qui y font la loi.

Parce qu’il remplit haut la main le cahier des charges du vigilant intelligent, Daniel Barber a déjà réussi un bon film de genre. Mais il a fait plus encore, car il a su puiser dans l’interprétation sublime et le visage digne de Michael Caine la matière pour dresser le portrait touchant d’une catégorie sociale rarement vue au cinéma, celle du troisième âge. Le personnage du papi interprété par Eastwood dans Gran Torino était jouissif, drôle, parce qu’il donnait une image distordue, caricaturale, de la réalité de la vieillesse. Celle d’un être très aigri, agité et en pleine possession de ses moyens physiques. Celui d’Harry Brown est terrible parce qu’il semble être le reflet palpable de cette réalité : la solitude glauque, la peur face à un monde que l’on ne comprend plus, la maladie, tout cela est affiché dans ses détails les plus crus. Et ce ne sera pas faire offense à son réalisateur d’affirmer que c’est cette description sans fioritures d’une fin de vie, plus que ses accès de violence, qui fait le sel de son premier film.bub

François Corda

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Harry Brown de Daniel Barber (Royaume-Uni ; 1h43)

Date de sortie : 12 janvier 2011

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